La vraie découverte de ce festival, à mon sens, mon coup de cœur, c’est cet opus « autofictionnel » de Falk Richter, admirablement mis en scène par Stanislas Nordey et porté par trois comédiens exceptionnels. Né d’une collaboration entre les deux metteurs en scène, ce texte n’a cessé de se modifier au cours des répétitions raconte Nordey. Au départ une sorte de journal intime d’un auteur de 40 ans, qui s’interroge sur sa vie, son enfance, la relation avec ses parents issus d’une génération bien particulière de la fin de la seconde guerre mondiale, sa création, son devenir…
Cela commence par une recherche de titre, Stanislas Nordey, porteur de la parole de Falk Richter, ou comment être dans la peau d’un semblable différent, 40 mn de monologue à bout de souffle, sur l’enfance, l’adolescence, ou l’horreur de la découverte des secrets d’une famille allemande… Et puis l’on s’interroge sur le souvenir, en quoi l’enfance nous constitue, ce que l’on laisse nous façonner, ce que l’on fuit définitivement, ce qui nous rattrape néanmoins… Tout fait écho, quelque soit notre âge ou nos origines, cette pensée parfois criée par un Nordey époustouflant d’énergie et d’abîme, vient frapper à notre porte.
Et puis cela s’enchaîne avec des « brouilleurs de pistes », deux autres comédiens rejoignent le plateau. Anne Tismer tout d’abord, la femme, les femmes, le regard bienveillant, ou l’échappée. Et Laurent Sauvage, la parole extérieure, d’un intérieur qui se regarde faire, parfois avec ironie, ou tristesse, ou encore impatience. Ils saisissent des micros et chacun à leur manière, témoignent. Nordey continue sur cet effet miroir du metteur en scène, qui semble questionner les deux autres comme autant d’interlocuteurs potentiels. Laurent Sauvage raconte, les lieux, les rencontres, les hôtels du bout du monde, la solitude du créateur, Anne Tismer mime, joue, imite les femmes qui passent, qui restent, ou que l’on rêve, ou le conférencier qui parle de « désamorcer la colère »… et puis la parole s’élargit « nous sommes tous des mutilés de guerre économique », devient cynique « tout cela est triste, atrocement solitaire et merdique ». Un film sur l’enfant est projeté et les trois comédiens se mettent à démonter le décor qui était fait de boîtes en métal. Ils les ouvrent et les déballent à la manière d’enfants dans un grenier, découvrant leur histoire. Des écrits, des objets envahissent le plateau, du petit électroménager des années 60… et puis de quoi se faire un barbecue, trois saucisses et une bonne bouteille, un peu comme pour dire que finalement tout cela n’est pas si grave. Une forme de pirouette, pied de nez à la bourgeoisie qui peut s’insinuer en nous malgré tout.
Après tant d’efforts, qui n’a pas envie de poser un peu ses bagages ? L’ouverture des « boîtes » peut se faire aussi joyeusement, comme fouiller dans sa mémoire peut aboutir à quelque chose de pacifié. C’est une pièce magnifique, un texte riche et drôle, ce qui m’avait manqué jusqu’à présent dans ce festival, une vraie écriture. C’est aussi un résultat extrêmement abouti, alors que tout s’est répété en trois semaines, le texte se modifiant au fur et à mesure. Peut-être parce que Richter a écrit pour ces comédiens là ? Peut-être parce que deux metteurs en scène sur un projet en resserrent les failles ? Ou parce qu’une parole juste, est porteuse de lumière ?
« Je voudrais que tu me dises que tout cela n’est pas de ma faute » demande « l’auteur » à la fin à la femme qu’il aime, ou celle qui la représente. Une histoire de culpabilité, une volonté de digérer son histoire et d’en ressortir avec le meilleur, une responsabilité ensuite d’être en ce monde et de vouloir y porter un message.
A courir voir en reprise !
Reprise aux Quartiers d’Ivry en Décembre 2010 et ensuite en tournée en France et Belgique en 2011
un extrait (texte de Büchner) : ICI
arte : ICI d'autres extraits
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