vendredi 16 juillet 2010

Avignon - Marthaler

« Papperlapapp »

de Christoph Marthaler et scénographie Anna Viebrock

variations de Christoph Marthaler, Malte Ubenauf, Olivier Cadiot et les acteurs d’après des textes de Herbert Achternbusch, Don Gabriele Amorth, Olivier Cadiot, E. M. Cioran, Dario Fo, Søren Kierkegaard, Professor Madya, Henri Michaux, Julien Torma et Malte Ubenauf.

Musique : Martin Schütz, JS Bach, K. Bette, Antoine Busnoys, F. Chopin, Carlo Gesualdo, J. Haydn, F. Liszt, Joseph Meyer, WA Mozart, GP da Palestrina, Pérotin, E. Satie, G. Verdi et R. Wagner.

avec : Marc Bodnar, Raphael Clamer, Bendix Dethleffsen, Evelyne Didi, Olivia Grigolli, Rosemary Hardy, Ueli Jäggi, Jürg Kienberger, Bernard Landau, Sasha Rau, Martin Schütz, Clemens Sienknecht, Bettina Stucky, Graham F. Valentine et Joeren Willems.

Cour d’honneur du Palais des Papes du 7 au 17 juillet

Cette pièce est véritablement un ovni théâtral et musical, qui a été très moyennement accueilli à Avignon. Créée sur place pour le festival, la scénographie s’est inspirée dans la cour du Palais des Papes. Revêtement de différents types de sols, tombes papales ça et là, petites niches de chaises, entrée d’immeuble ou encore mini crypte sont installées dans le fond de scène. A jardin un bout d’intérieur d’église avec un confessionnal, et derrière une piste d’atterrissage pour hélico. A cour de l’électroménager et un camion de transport de militaires, et au milieu une énorme machine à laver et une glacière coca cola. La plupart des fenêtres de la cour sont « refaites » en PVC blanc et des climatiseurs y pendent (enfin j’espère que c’est un décor… la façade étant classée !).



Voilà dans cet univers de petits bouts, semblant reconstituer plein d’espaces de rencontres, un groupe d’hommes et de femmes vont déambuler, chanter, se courir après, s’embrasser, rire, pleurer, boire, recréer l’univers religieux, ou pas. Une juxtaposition de moments les plus loufoques les uns que les autres, parfois proches de l’univers Monthy Python ou Deschiens, des chants classiques magnifiquement interprétés, des textes reprenant parfois l’histoire de la bible, ou purement accusateur de la vie dissolue des Papes… On est dans l’absurde, le poétique, le lyrique et parfois le burlesque. Parfois la situation est tellement ridicule, qu’on est à la limite de sentir qu’on se moque de nous… Mais n’en est-il pas de même avec le religieux en général ?

Et puis au détour de situations, on se prend à rêver sur la musique magnifiquement interprétée (un piano à queue à l’étage, très belle image entre les ogives gothiques) et chantée par les comédiens (Mozart, Bach, Liszt, Verdi, Wagner…) entre la mélancolie et la solitude, autres revers de la contemplation et beauté des œuvres créées pour Dieu. Et puis les comédiens se promènent d’étages en étages, l’espace est entièrement utilisé, ce que je trouve très intéressant. Les femmes montent jusqu’en haut des remparts et jettent des sandwichs aux hommes restés en bas… C’est de nouveau des images absurdes à interpréter. La religion nous nourrit ? Ou bien est-ce qu’aujourd’hui la nouvelle foi c’est la consommation ?



Ce qui impatiente les spectateurs, je pense c’est la disparité des saynètes qui peuvent lasser car elles sont toujours un peu dans la même veine et ne sont pas vraiment liées entre elles. Par exemple, à un moment ils reviennent en costumes médiévaux, ils sont visiblement saouls et titubent, ils vont dans le camion qui tente de démarrer sans succès, alors ils ressortent et retraversent l’espace dans l’autre sens. Au milieu du plateau, ils s’arrêtent pour chanter… C’est à chacun d’y voir le sens qu’il veut… Et puis le temps s’étire… le metteur en scène prend le temps, les comédiens l’utilisent et de longues minutes se passent sans qu’il ne bougent vraiment. Un hommes assis sur les bancs de l’église parle de ses mensonges, c’est Jesus. Un autre fait un discours à propos d’un caddie autour duquel tous prient, c’est Dieu… Les hommes revêtent des costumes de Papes, s’en amusent, puis les mettent à laver avant de plonger la tête dans le tambour de la machine…

Tout y passe, la sexualité refoulée ou carrément assouvie, la corruption, la décadence, l’intimité, autant de thèmes abordés en clins d’œils et de jeux simples. Autant de textes et d’auteurs mélangés, que de thèmes musicaux différents tissent le fond de cette création unique. Toutes les métaphores de la religion sont représentée et à chacun d’en tirer les ficelles. Jusqu’à la très bonne tirade d’Evelyne Didi, qui s’adresse à tous les Papes réunis en un, et lui dresse la liste de leurs méfaits au cours des siècles…

Malgré l’impatience et les gens qui sortent beaucoup pendant la pièce, j’ai vraiment aimé cette création. Il n’est pas courant finalement de mélanger autant d’ingrédients disparates avec cette dextérité, et d’utiliser cet espace avec autant d’ingéniosité et de finesse, tout en critiquant joyeusement la religion ou toute forme d’aveuglement. Quant à la lenteur, elle prend son sens dans une forme réflective de contemplation et permet aussi de mieux apprécier les enchaînements, de ne plus être que dans une forme de comique immédiat, mais permet de mesurer la gravité qu’il y a derrière le propos. Vrai pied de nez malgré tout, dans cette cour d’honneur qui abrita il y a quelques siècles, six pontificats…

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