vendredi 22 novembre 2013

Jerk - Vienne - Cooper - Capdevielle

D'après une nouvelle de Dennis Cooper, une conception et mise en scène de Gisèle Vienne
en collaboration et interprété par Jonathan Capdevielle
Au théâtre de la Bastille jusqu'au 23 novembre 2013

photo Alain Monot

C'est un petit être qui semble timide et doux qui prend la parole, face à nous, assis sur une chaise, un sac de voyage à ses côtés. On nous a remis un fascicule avec des textes, il nous invite à lire un premier extrait. Et puis il se propose de jouer la suite avec ses marionnettes, en toute innocence…

Le sang se glace rapidement et Jonathan Capdevielle commence son petit spectacle. Avec des peluches et des petits garçons de porcelaine, il nous raconte l'horreur… En l'espace de quelques minutes,  nous sommes plongés dans un pur cauchemar, que même l'irréel des marionnettes ne dissipe pas. Trois jeunes gens en tuent d'autres… Ses mimiques, ses bruitages, sa gestuelle suggestive sont d'une efficacité redoutable, on le souhaiterait moins doué, on a envie de partir, certains sortent…

Puis le deuxième texte, tout ceci tiré d'une nouvelle, d'une histoire vraie, un serial killer américain et ses complices qui ont assassiné pas moins de 27 jeunes hommes dans les années 70 et qui ont fini par s'entretuer. La performance de Jonathan Capdeville dure 50 minutes et elles sont douloureuses. Nous oscillons entre la fascination exercée par cet acteur exceptionnel, qui finit son interprétation en ventriloquie, ce qui rend le texte encore plus empoisonné, une voix qui vient du ventre, qui vient d'où, première fois de nos vies que l'on assiste à cela, un ventriloque qui ne plaisante pas, et l'abomination de ce qu'il raconte qui rend encore plus indécente sa performance.

C'est une grande claque, un dérangement intérieur, un coup réussit pour moi car j'ai été profondément remuée, une admiration sans borne pour le comédien qui se livre entièrement dans une telle performance. Une leçon pour tous ces acteurs surfaits qui restent en surface. Mais d'un autre côté, je reste dubitative sur le texte, le travail de Dennis Cooper m'a toujours laissée assez indifférente, mais aussi sur le fondement de raconter une telle histoire. Le spectacle est comme une grande baffe donnée par un inconnu : ça touche son but, on reste éberlué, mais on se demande vraiment pourquoi.

samedi 16 novembre 2013

Swamp Club - Quesne - Vivarium Studio

avec Isabelle Angotti, Snaebjörn Brynjarsson, Yvan Clédat, Cyril Gomez-Mathieu, Ola Maciejwska, emilien Tessier, Gaëtan Vourc'h, Quatuor à corde différent selon les lieux
Mise en scène et scenographie Philippe Quesne

Au théâtre de Gennevilliers jusqu'au 17 novembre 2013
A forum du Blanc Mesnil les 21 et 22 novembre 2013 et en tournée dans toute la France
Les dates ICI

Un vivarium c'est un lieu d'expérimentation où grouillent toutes sortes d'êtres vivants. Le nom de la compagnie de Philippe Quesne est déjà en soi une présentation de son travail. Une recherche incessante  sur le vivant et son environnement.
Pour ce spectacle il s'agit d'observer une équipe d'artistes et un lieu qui les accueille en résidence. Quelque soit le contexte imaginé par Philippe Quesne, un marais, des animaux, des vapeurs, une humidité, on ne peut que chercher la métaphore filée partout. On entre dans un univers à tiroirs et c'est nous qui sommes aux commandes. Celles de notre imaginaire, de notre culture politique et artistique, de nos espoirs sur l'avenir.
Philippe Quesne et ses comédiens totalement libres et spontanés, ont l'audace de prendre le temps, de nous offrir ce qu'il y a à voir, sans trop nous mâcher le travail. Le rythme de la rêverie s'impose, la musique classique jouée par le quatuor nous plonge dans une ambiance d'une qualité particulière, le sauna qu'investissent les acteurs provoque un sentiment d'oisiveté et de détente qui sont pourtant à l'encontre de l'idée que l'on se fait d'une résidence d'artistes... Vraiment ?... La mine d'or qui alimente le lieu et les rend riches et autonome nous porte à rêver et bien entendu nous fait grincer des dents.

Photo Vivarium Studio

Le talent de Philippe Quesne c'est la douceur, la gentillesse avec laquelle il nous prend par la main et nous montre un monde finalement terrifiant, les comédiens sont comme des enfants qui jouent dans un décor mais tout résonne de manière si réelle que nous ne pouvons pas ne pas réfléchir aux messages politiques dispensés. Un monde ou merveille et absurdité se cotoient, où une taupe géante est le thermomètre du danger à venir, où l'apocalypse n'est pas loin, et "on dirait qu'on pourrait s'en protéger..." On ne sait jamais ce qui est ironique ou sérieux, ce qui est dérisoire ou fondamental... Les repères sont mélangés et nous rappellent à quel point ils le sont tout autant dans la vie réelle.
La fin advient, dans un vacarme effrayant, en contrepoint de la torpeur précédente.

A voir à suivre, Philippe Quesne et ses lutins, ont toujours quelque chose du monde à nous montrer.