lundi 25 octobre 2010

Tartuffe - Molière - Morin

D'après Tartuffe de Molière mis en scène par Gwenaël Morin
avec Renaud Béchet, Julian Eggerickx, Barbara Jung, Grégoire Monsaingeon, Gwenaël Morin et Ulysse Pujo
au théâtre de la Bastille jusqu'au 31 octobre

Nous sommes accueillis par Gwenaël Morin lui-même et les comédiens qui déambulent sur le plateau, entre théâtre contemporain et ambiance spectacle d'école. Sans doute des réminiscences de l'aspect familial et accessible des labo d'Aubervilliers, où l'expérience du théâtre permanent tenta de dépoussiérer et de démocratiser le spectacle vivant et classique, aussi. Des affiches de peintures en noir et blanc photocopiées, du scotch vert fluo, le texte collé sur le mur et un panneau en carton, tout semble de bric et de broc, on se croirait dans une classe au lycée.
Et puis Molière aussi rappelle l'école, et dans un coin de ma tête, l'envie de faire aimer cet auteur aux lycéens, pour leur faire aimer ensuite le théâtre. Peut-être est-ce le pari de Gwenaël Morin et son équipe, pari réussi à mon sens.
Les trois coups à l'ancienne, on est là pour du vrai théâtre, tous les éléments sont réunis, mais je sens comme un défi d'avance, dans l'excitation des comédiens. Et c'est parti au pas de course, l'énergie toujours aussi présente, comme un personnage à part entière dans cette troupe, comme si le temps était compté, comme si la vie était trop grande, comme si le théâtre bouillonnait... Dès les premières minutes on s'adapte, on comprend que Marianne et Dorine sont jouées par des hommes, et le texte s'entend d'autant mieux. Les artifices disparaissent au profit du sens. Les mots claques, les gestes sont efficaces et chorégraphiés, les postures posées, les temps suspendus mesurés. La mission est de faire rejaillir l'essence du texte dans sa pureté. Dès les premières minutes on est saisi aussi par la force sensuelle qui se dégage de la mise en scène. Jamais Molière ne m'a paru aussi sexué. L'admiration démesurée de Orgon pour Tartuffe en devient érotique, et l'amour de Tartuffe pour Elmire est tout empreint de malsaine ambiguïté. C'est la finesse des comédiens et les idées de mise en scène associées à ce jeu de clair obscur qui se fait au grès des bougies, allumées, trimballées de personnage en personnage, qui le permettent. On retrouve aussi les "sous-titres" dans les objets que manipulent les acteurs de Morin, la lumière pour la connaissance, le voile pour l'ignorance etc.
On apprécie le travail des corps, le langage des poses dans la puissance et la retenue, dans le don et la créativité. Et Gwenaël Morin reste toujours sur le plateau, comme un oeil aiguisé et présent, une désacralisation du metteur en scène et un lien avec le spectateur.
Voilà donc une jolie leçon de Molière moderne et dépoussiéré, tout en restant fidèle au texte et à son sens. Une mise en scène turbulente et sensuelle, efficace, et convaincante, que l'on devrait présenter aux détracteurs du théâtre comme aux jeunes fragilement peu convaincus.

Cela donne envie d'aller voir ensuite Bérénice de Racine, du 2 au 21 novembre...

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