samedi 15 janvier 2011

Les traducteurs - Conférence Régy - Boyer


Claude Régy - Régis Boyer

En cet après-midi ensoleillé, les gens se ruent et dévalisent le magasin d'écrans plats qui se trouve face à la Ménagerie de Verre, soldes obligent. Et pendant ce temps, nous nous délectons d'une petite conférence organisée par la Mel (Maison des écrivains et de la littérature) avec Claude Régy qui met en scène ces jours-ci Brume de Dieu, des extraits des Oiseaux de Tarjei Vesaas, traduit du néo norvégien par Régis Boyer. Et nous buvons les paroles passionnantes de ces deux hommes qui se rencontrent pour la première fois et qui partagent le même amour des mots, de la littérature et de tout ce qui se trouve au-delà.

Tout d'abord un peu d'histoire et je ne résiste pas à vous faire partager ce que j'ai appris : la Norvège a connu un âge d'or au XIIe siècle et fut ensuite colonisée jusqu'à la fin du XIXe quand même, par le Danemark. De ce fait la langue norvégienne a quasiment disparu, pour laisser la place à une langue issue d'un mélange danois et ancien-norvégien. Il reste des vestiges de la langue norvégienne d'origine dans l'islandais. Au début du siècle dernier à la libération de la Norvège, il fut tenté de retrouver cette langue et est née une sorte de néo-norvégien, issus de l'association de plusieurs dialectes et d'étude de l'islandais. Tarjei Vesaas a choisi d'écrire dans cette langue ainsi (re)créée. On retrouve donc dans la langue, mais aussi dans la pensée qui l'accompagne, la crainte, ou l'assurance, d'être incompris.

Claude Régy parsème l'histoire et les explications si intéressantes de Régis Boyer de son désir aujourd'hui de travailler en "s'éloignant du théâtre" pour se rapprocher encore plus du texte et de travailler à faire entendre ce qui est "en deçà du langage mais aussi au delà". Et il cite Nathalie Sarraute qui parlait de la création littéraire comme une tentative de faire éclore pour les autres "des parcelles de réalité inconnue". C'est ce qui se trouve en dehors des mots, un langage codé d'entre les lignes qu'il essaye de faire ressortir avec le comédien. Et Régis Boyer de rebondir sur la culture scandinave si éloignée de la notre finalement. Il nous explique que les norvégiens particulièrement sont capables de rester totalement silencieux, même s'ils vous ont invité à dîner. Il y a comme une pensée qui existe en dehors de la parole mais se pose alors la question "à qui on parle quand on pense ?", comme l'on peut dire "à qui l'on parle quand on écrit ?". Autant de questions soulevées malicieusement et dont les réponses énigmatiques satisfont totalement les deux intervenants.

Régis Boyer de continuer sur la culture de ces pays du nord, comme leur rapport très important avec la nature, et le fait qu'ils ne sont pas très à l'aise dans l'abstrait. Mais dans cette connexion à la nature il y a quand même une grande part accordée justement à tout ce qui est "caché derrière". Mathis le héros des Oiseaux de Tarjei Vesaas est considéré comme légèrement attardé mental mais en fait il est d'autant plus en lien avec ce qui l'entoure, lui qui peut lire les "hiéroglyphes" laissés par les pas des bécasses dans la boue. Enfin Régis Boyer nous parle de la lumière, celle qui laisse le jour durer pendant des nuits, qui abolit le temps et les distances et qui place forcément dans un autre rapport au réel. Un peuple peu atteint par le christianisme mais plus proche des origines païennes du culte de Gaia, qui considère la mort comme un changement d'état, ni plus ni moins. Alors cela donne une littérature plein de recoins à découvrir, de contemplation et de secrets, qu'il est bon de s'approprier, d'humain à humain. Claude Régy conclura en expliquant le titre qu'il a donné à ces extraits Brume de Dieu, comme étant une recherche de clarté au delà du brouillard...

Merci à eux et à la Mel pour ce très bon moment plein de paillettes de neige dans les yeux...



2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup lire ces moments d'échanges que tu retranscris, que ce soit cette conférence ou les deux rencontres plus intimes. Ce sont des instants précieux, et c'est à la fois généreux de leur part puis de la tienne de bien vouloir partager cela! Cerise sur le gâteau théâtral, l'exercice de faire la synthèse d'un moment de dialogue est difficile or le défi est très bien relevé ici! Bientôt d'autres?
    Fanny.L(crossover-stage)

    RépondreSupprimer
  2. merci. Je vais publier un essai dans une rubrique "Essai" tout bientot sur ce blog, concernant une rencontre aux Beaux Arts avec Claude Régy, il y aura des extraits de ce qu'il a dit ce jour là. Bien à vous

    RépondreSupprimer