mardi 25 mai 2010

des chiens bien inspirés

«L’épopée des dates» (troisième épisode)
Les chiens de Navarre, collectif dirigé par Jean Christophe Meurisse
20 - 22 mai 2010 au théâtre 2 Gennevilliers
avec : Caroline Binder, Robert Hatisi, Manu Laskar, Céline Furher, Anne-Elodie Sorlin, Maxence Tual et Jean-Luc Vincent.

Ca commence par une session de «step», de la gym vigoureuse, un prof perruqué et cul nu qui donne ses instructions à des élèves très appliqués et en rythme... Nous sommes très nombreux à rentrer sur le plateau du théâtre de Gennevilliers, certains accaparent les coussins laissés au sol et s’installent, d’autres ne peuvent s’empêcher de danser animés par l’ambiance, mais tout le monde rit devant le kitsh de la scène...

Puis nos steppeurs s’en vont et nous sommes invités à nous asseoir sur le sol, autour d’une table dressée de vin et de verres. Les comédiens reviennent et s’installent, ils se servent et trinquent à la «Paix» qui règne depuis 65 ans en Europe... et c’est parti pour une heure de discussion autour d’un verre, de commentaires sur l’histoire, les relations entre les allemands, les français, les juifs... le genre de conversation assez clichesques et terriblement glissantes qui ne manque pas de déraper furieusement vers l’énorme, le raciste, l’a priori...

C’est difficile à décrire car c’est très finement amené par des comédiens exceptionnels et d’une rare drôlerie. Le public est écroulé de rire, devant cette soirée «entre amis» qui dégénère, l’une recrache son vin régulièrement, l’autre veut chanter l’hymne allemand pour la réconciliation des peuples, le troisième, circoncis, nous montre son sexe pour expliquer à quel point «c’est plus propre quand même», enfin le steppeur et meneur du groupe improvise un «instant de danse» et se fait hurler dessus par sa collègue dégoûtée...! Tout cela dans un esprit si commun, si quelconque, que nous sommes obligés d’y voir la satyre à peine exagérée de cet esprit si français, politiquement correct par devant, mais qui n’en pense pas moins par derrière... La table «ronde» nous est vaguement adressée, un public assiste à cette scène, le verre est levé...

Puis la scène recommence, un peu semblable au début, mais changeant au fur et à mesure, comme un bégaiement de l’histoire, un balbutiement des pensées, le fait qu’inlassablement nous entendons les mêmes conneries, et que les mentalités ne bougent pas... Et en même temps chacun de ses personnages complètement barré et un peu limite dans sa manière de penser, nous est attachant et c’est toute l’ambiguité de la chose... Puis le rideau se lève et nous réalisons vraiment que nous sommes sur le plateau du théâtre, comme des comédiens d’une farce absurde et qu’un champignon nous regarde...

J’ai littéralement adoré ce spectacle qui est à la fois grinçant et extrêmement drôle, d’une étrange finesse et qui dénonce avec tellement d’efficacité ce qui nous titille tous, la difficulté d’aimer et de comprendre celui qui est différent. Sujet vaste et sans fin, une troupe d’illuminés si talentueux que nous ne manquerons pas de suivre et de revoir...

A suivre ils reviennent :

http://www.chiensdenavarre.com/calendrier.html

(photo Balthazar Maisch)

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