mercredi 11 mai 2011

Danse Delhi - Viripaev - Stoev


Création d'Ivan Viripaev, traduction Tania Moguilevskaia et Gilles Morel
Mise en scène Galin Stoev, Scenographie, vidéos etcostumes Saskia Louwaard et Katrijn Baeten
avec Fabrice Adde, Caroline Chaniolleau, Océane Mozas, Marie-Christine Orry, Anna Cervinka et Valentine Gérard

Au théâtre de la Colline du 4 mai au 1er juin 2011

Une série de 7 courtes scènes se succèdent, mêlant les mêmes personnages et les mêmes ressorts : un hôpital, un proche vient de mourir, des papiers à signer et de grosses interrogations sur l'existence. On fait connaissance de Katia une danseuse, d'Andreï son amant, de Valéria, de la mère de Katia, d'une infirmière et puis de la femme d'Andreï. Chacun tour à tour va mourir, et puis sera vivant dans la scène suivante et cela sera à son tour de perdre un proche. La pièce est très habilement construite sur la ritournelle, chaque personnage vivant ce que l'autre a vécu, lui empruntant même parfois ses mots. Pourtant on ne s'y perd pas. Mais outre ces tours de "passe-passe situationesques", de nombreux thèmes sont abordés et l'écriture de Viripaev est vraiment d'une grande qualité.

Tout d'abord cette fameuse danse Delhi que Katia a inventé après un séjour bouleversant en Inde, après avoir absorbé la souffrance qu'elle sentait chez les autres. Une danse où elle transforme la souffrance en art, où elle transmet l'état du monde et permet de mieux le regarder en face. Cette danse nous ne la verrons pas, elle restera dans les mots des personnages, ceux qui l'ont vue et qui en sont restés marqués à jamais. Les mots résonnent pourtant en nous, comme une description de tout geste artistique, le vecteur essentiel qui révèle autant qu'il soulage, qui émeut par la vérité qu'il transcende.

La mort ensuite présente comme souvent chez les russes concernant les sujets graves, traitée ici entre mélancolie insondable et rire fataliste. La mort des autres, la mort de ceux qu'on aime qui engendre une culpabilité immédiate et dont l'auteur suggère ici qu'elle est inutile, mais aussi sa propre mort. L'inévitable destin que nous avons tous est celui de mourir, et de réaliser que nous devons vivre d'ici là. Oui mais vivre quoi et comment ? Notre vie ou celle d'un étranger comme le souligne Valéria ?

Enfin, entre autres, une forme de lâcher prise presque bouddhiste nous est transmise au travers de la forme de sagesse qu'emprunte Katia. Ne pas s'acharner à chercher un coupable des choses, particulièrement celles auxquelles on ne peut rien, et remplacer ses sentiments sombres par de la compassion. Profiter de la vie avant la mort, de sa vie surtout, se la créer. La mise en scène est sobre et claire et permet au texte qui est mordant et précis de nous parvenir et les comédiens sont justes, ironiques à souhaits, pathétiques à leurs moments. Une spéciale dédicace à Marie Christine Orry que j'ai particulièrement appréciée et à l'infirmière jouée ce jour là par Anna Cervinka pleine d'entrain et de nuances. Je trouve juste que pour une pièce sur la danse et la transmission du corps des émotions, cela en manquait "de corps". La pièce et son traitement restent très cérébraux et les comédiens presque intellectuels. De ce fait on en ressort avec une vraie envie de connaître cet auteur à l'écriture si savoureuse, mais avec une envie de mise en scène plus vivante peut être. On y retrouvera ce qu'on aime chez les russes, une interrogation immense sur le fait de vivre et de vivre ensemble, une envie d'absolue réconciliation permanente entre les êtres et le monde.

"La danse Delhi, c'est d'abord une douleur immense, puis on l'accepte et finalement tout devient beauté..."

photo Elisabeth Carecchio

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