de Berthold Brecht mise en scène par François Orsoni
avec Mathieu Genet, Alban Guyon, Clothilde Hesme, Tomas Heuer, Thomas Landbo, Estelle Meyer et Jeanne Tremsal
au théâtre de la Bastille du 30 novembre au 22 décembre 2010
Des comédiens sur le plateau quand le public entre, une grande table et des sièges, des fauteuils, un pain de glace qui fond et des portants pour les costumes des comédiens... Un avant goût de ce que nous allons voir, du théâtre "cuisine", c'est à dire dont on voit toute la fabrication et qui se veut contemporain, avec un certain sentiment de bricolage.
C'est un peu du grand virevoltage qui surprendrait peut-être Brecht, on est absolument pas dans la distanciation, mais malgré tout il y a de savoureux éléments dans ce Baal original. Tout d'abord et surtout la comédienne Clothilde Hesme qui endosse le rôle masculin avec merveille, tout en provocation et en tour de force, elle est juste tout du long, entraînante et convaincante, même si ce n'est pas un parti pris de mise en scène, mais de distribution, cela fonctionne parfaitement. Du coup le personnage principal en devient moins misogyne, et les rapports de séduction qu'il entretien avec les femmes et ses amis sont délicieusement ambigus. Ensuite toute la métaphore de l'eau, représentée en pain de glace sur la table qui fond pendant toute la représentation, créant une petite rivière, mais aussi par toutes ces bouteilles bues, remplies d'eau au lieu d'alcool, le pain qui est régulièrement frappé violemment par Baal avec un club de golf (brisons la glace...), ou encore cette eau qu'on crache, qu'on se renverse sur la tête... cette eau qui ressemble à tout ce dans quoi on se noie.
Ecrite aux lendemains de la première guerre mondiale, cette pièce a un goût d'absolu et de défoulement, une envie dévastatrice de profiter de la vie sans artifices superficiels, et d'aller jusqu'au bout de tout, même si c'est pour faire preuve d'ultime égoïsme et de détruire ceux qui nous entourent au passage, ainsi que nous-mêmes. Baal, sans doute un peu Brecht lui-même, auteur et poète qui mêle son art à sa vie. Baal le poète maudit, qui tente de se faire comprendre mais qui finalement se heurte à l'étrangeté de l'autre. Baal tenaillé par son désir incessant des femmes, et son incapacité à tenir en place, son rêve de liberté totale, le reflet d'un Brecht tout jeune qui écrit sa première pièce.
François Orsoni qui dit craindre l'ennui au théâtre, parsème sa mise en scène de bouffonneries qui fonctionnent parfois très bien (la scène du champagne est délirante) parfois beaucoup moins bien (les passages rock'n roll sont assez embarrassants). Ce qui pourrait tendre à en faire un théâtre distrayant alors que ce n'est pas tout ce qu'on peut trouver chez Brecht. C'est à dire que l'on picore chez l'auteur des éléments, mais pas tout, et le reste on le crée à sa sauce, on ajoute au texte quelques impros contemporaines (venir en vélib..., je vous présente un disciple de Charly Oleg...). Avec le risque que cela prenne ou pas dans cette volonté de rendu contemporain à tout prix. Et surtout que certains éléments manquent, par exemple la pièce est trop pudique et légère à mon sens, par rapport à la sexualité et les tensions morbides qu'elle contient. Les comédiens sont assez inégaux dans ce Baal et l'on en ressort mitigé, entre la sensation d'avoir vu une jolie performance et un travail inabouti, peut-être parce que la pièce en elle-même est restée inachevée dans les tiroirs de son auteur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire