mercredi 29 septembre 2010

Oh les beaux jours / Beckett / Bob Wilson

de Samuel Beckett mise en scène par Robert Wilson
avec Adriana Asti et Giovanni Battista Storti
au théâtre de l'Athénée du 23 septembre au 9 octobre 2010


Petite pièce étrange comme tous les bijoux Beckettiens, abordant frontalement le thème de l'enfermement, la réduction du mouvement, la réduction des libertés que chacun subit, physiquement, psychiquement, ou autre ?! Métaphore physique, la comédienne est indiquée dans la didascalie comme enterrée jusqu'à mi corps. Bob Wilson présente ici une version "femme-volcan" en érigeant son personnage en haut d'une montagne noire de carton pâte. Entre une vision néo-burlesque et expressionniste allemand, on se croirait dans les années 30, maquillage et roulements d'yeux inclus.

photo Luciano Romano

J'ai personnellement été très gênée par l'accent italien des comédiens qui m'ont rendu le texte quasiment inaudible. "Une lutte perpétuelle pour la compréhension" a commenté ma voisine très justement, même s'il est possible d'y voir ici une volonté de mise en scène. Peut-être entendre le texte est ici secondaire, nous plongeant dans une ambiance encore plus étrange, rappelant presque le cinéma muet.

Il en reste une gestuelle adorable et une énergie extraordinaire qui nous parviennent malgré tout, et une sensation de voyage intense au pays imaginaire de l'absurde, comme toujours avec des clins d'oeil à notre propre monde.

samedi 25 septembre 2010

L'Echange - Yves-Noël Genod


Versailles, fin d'après-midi de septembre 2010
Festival Plastique Danse Flore

avec Dinozord et Papi Ebotany, Frédéric Danos, Marlène Saldana et Thomas Scimeca et une improvisation de Jonathan Capdevielle.

Il est très difficile de raconter les spectacles d'Yves-Noël Genod lorsqu'ils ressemblent à cet après-midi de faunes comme nous pourrions l'appeler, largués en pâture à de pauvres spectateurs perdus mais hilares en plein potager à Versailles. La foule s'amasse devant des grilles et Thomas Scimeca en perruque XVIII et en chemisette transparente (et nu dessous bien entendu) y grimpe et semble chercher quelqu'un "Julien ? vient approche... Françoise ?". Une image qui me parait soudain si réelle qu'elle me projette à l'époque de la décadence de nobles oisifs. Parmi nous Yves-Noël en slip rose distribue ses petits tracts et nous explique un peu débordé qu'il faudrait que l'on se disperse pour voir le spectacle de plusieurs angles différents. Tout a toujours l'air improvisé dans ce qu'il présente, comme si les choses se produisaient par magie et bien malgré lui. Le talent de recréer de l'imprévu dans le prévu, de l'inattendu dans une vie trop lisse peut être ou encore tel une loupe colorée, de faire ressortir le merveilleux de tout instant.

Nous entrons dans ce petit jardin près d'un cours d'eau, tentons de suivre ce qu'il s'y passe. Nous sommes très nombreux et les interventions se mêlent à la foule, à nous de les dénicher, parfois guidés par un Yves-Noël souriant "par ici c'est plus beau... regardez par là..." Thomas Scimeca cherche toujours Françoise et s'empare d'un micro, puis d'une moto, en alternance. Faussement excédé par le monde, se frayant des passages absurdes parmi nous "pardon, excusez moi..." Marlène Saldana pique une petite crise d'hystérie, se met nue et court se jeter dans le ruisseau en criant "je me noie !" et deux noirs couverts de paillettes d'or font leur apparition dans une pirogue, puis se battent, tandis que Jonathan Capdevielle s'est emparé du micro pour chanter "Africa... j'ai besoin de danser, comme toi..." Plus tard ou avant je ne sais plus, de s'être lui-même jeté à l'eau pour sauver Marlène. Se jeter à l'eau, c'est bien ce que font les comédiens d'Yves-Noël Genod, happés par l'immense liberté de création qu'il provoque en chacun.



On ne cherche pas du sens, on se laisse emmener dans un univers. Le titre de l'opération, "l'Echange", nous rappelle Claudel et l'invitation au voyage. La démesure de la vaine recherche, l'impossibilité de se comprendre entre soi en terre étrangère, ou l'inverse. L'absurde déclenche l'hilarité bien souvent chez les spectateurs, rien ne semble entraver la route que les comédiens doivent emprunter et qui suit un fil obscur. Pourtant chacun peut déclencher son imaginaire et se raconter sa propre histoire, ce qui permet aussi dans cette liberté, de créer à son tour. Les enfants nombreux ce jour là participent à la joie et se mêlent parfaitement à l'ambiance, pas du tout choqués par cet immense jeu qui peut être leur rappelle les leurs...

Yves-Noël a ceci d'un enfant, il recrée des aires de jeu gigantesques pour adultes qui osent, afin de susciter l'imaginaire de ceux qui osent moins, distribuant ça et là des éclats de rire et des brins de poésie, mais aussi avec des tiroirs de sens qu'il ne tient qu'à nous d'ouvrir. On rentre la tête dans les étoiles, un peu plus léger d'avoir été ainsi "rechargés"...

lundi 20 septembre 2010

Armide - Lully - Rambert - Plante

De Jean-Baptiste Lully, mise en scène Pascal Rambert, direction musicale Antoine Plante
Chef de Choeur : Didier Louis
avec : Isabelle Cals, Zachary Wilder, Sarah Mesko, Lauren Snouffer, Summer Thompson
et Kalifa Gandega, François Lepée, Morgane Lory, Agathe Mercat, Fabien Oliva, Larbi Oubadia, Farid Roussange, Romane Moufflet
l'Orchestre Mercury Baroque et l'ensemble vocal Lumen de Lumine


Très bel opéra de Jean-Baptiste Lully sur un livret de Philippe Quinault, un rien baroque, peu épique mais romantique à souhait. Pascal Rambert en a livré une version ultra contemporaine, avec le choeur de Houston, Texas, et une ambiance guerre Usa - Irak un tantinet étrange.


On y retrouve la sobriété du metteur en scène, un plateau blanc et des néons blancs, des costumes noirs, blancs, jean, et armée, tables, chaises, ordinateurs... et un gigantesque 4x4 noir.

En frontalité souvent, en voiture un peu, décalés toujours, les personnages semblent tiraillés par leurs émotions dans ce grand univers blanc qui en est dépourvu. On est dans un tel dépouillement que seul l’essentiel subsiste. La guerrière Armide pourchasse le guerrier Renaud, en tombe amoureuse et se le voit ravir par sa rivale indétronable : la gloire et sa conquête dans le coeur de Renaud.


Pour quelqu’un comme moi absolument pas habituée à l’Opéra, cette intense sobriété me permet de plonger dans la musique et de me laisser emporter par les chants.

Pascal Rambert n’hésite pas à glisser de la légèreté et de l’humour et d’un autre côté manie la tragédie avec beaucoup de délicatesse. La pureté de cette mise en scène souligne et rend tout lisible. L’esthétique est vraiment remarquable dans sa modernité, sert l’opéra, et paradoxalement se mêle très bien avec la musique pourtant très connotée de Lully.


Photo Amitava Sarkar



J’ai juste été un peu étonnée de voir les danseurs habillés en GI américains, jouer au golf pendant l’acte 2, au moment ou Renaud est charmé par Armide et s’endort sur le gazon... Il m’a semblé que l’image était décalée par rapport à la mission américaine en Irak.

Le parallèle avec la guerre américo-irakienne est glissant et je pense qu’il ne gagne pas à être anecdotique, c’est le seul bémol que j’aurais sur cette mise en scène.


Je recommande d’aller voir cet étrange objet, particulièrement si on n’est pas un adepte de l’opéra, voici une excellente manière de s’y initier.