jeudi 30 juin 2011

Recommandations Avignon 2011

Voici quelques recommandations pour le Festival (attention je vais peut-être en rajouter au fur et à mesure...) :

IN :

"Clôture de l'Amour" écrit et mis en scène Pascal Rambert
avec Stanislas Nordey et Audrey Bonnet
du 17 au 24 juillet à 18h Salle Benoît XII
Une très belle pièce sur la fin d'un amour, deux acteurs remarquables.

"L'indestructible Madame Richard Wagner" écrit et mis en scène par Christophe Fiat
avec Clémentine Baert, Martine de Missolz, Florence Janas, Laurent Sauvage et Laure Wolf
du 18 au 24 juillet à 18h30 au Tinel de la Chartreuse à Villeneuve lez Avignon
Un spectacle que j'ai adoré à Gennevilliers, pas eu le temps de le chroniquer malheureusement mais il vaut le détour. La vie de Mme Richard Wagner et de sa descendance, jouée et portée par des comédiennes incroyables et une énergie toute musicale. A voir !

Des idées de spectacles que je n'ai pas vus mais qui sont tentants :

"Des Femmes" d'après Sophocle, mise en scène Wajdi Mouawad
avec Pierre Ascaride, Olivier Constant, Sylvie Drapeau, Bernard Falaise, Charlotte Farcet, Raoul Fernandez, Pascal Humbert, Patrick Le Mauff, Sara Llorca, Alexander MacSween, Marie-Eve Perron et Emmanuel Schwartz
du 20 au 25 juillet à 21h30 à la Carrière de Boulbon

"Oncle Gourdin" de Sophie Perez et Xavier Boussiron
avec Marie-Pierre Brébant, Gilles Gaston-Dreyfus, Françoise Klein, Sophie Lenoir, Stephane Roger et Marlène Saldana
du 12 au 17 juillet horaires variables au Gymnase du Lycée Mistral

"Au moins j'aurai laissé un beau cadavre" d'après Hamlet de Shakespeare mise en scène Vincent Macaigne
avec Laure Calamy, jean-Charles Clichet, Sébastien Eveno, Thibault Lacroix, Julie Lesgages, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Pascal Rénéric et Sylvain Sounier
du 9 au 19 juillet à 21h30 au Cloître des Carmes

Il y aura aussi un Castellucci, un Cassiers et un Chéreau...

Voilà pour le In et en

OFF

"La belle de Cadiz" écrit et mis en scène par Mohamed Rouabhi
avec Claire Nebout
du 8 au 26 juillet à 14h10 au Chien qui fume (04 90 85 25 87)

"Rapport sur Moi" de Grégoire Bouillier, mise en scène Anne Bouvier
avec Michael Chirinian
du 8 au 31 juillet au théâtre les Ateliers d'Amphoux (04 90 86 17 12)
article ICI

"C'est la faute à Rabelais" écrit par Eugène Durif, mise en scène Jean-Louis Hourdin
avec Eugène Durif et Pierre-Jules Billon
du 7 au 29 juillet à 16h30 au Théâtre des Halles (04 90 85 52 57)

"Horovitz mis en pièces" courtes pièces d'Israël Horovitz, mise en scène Léa-Marie Saint-Germain
avec Nathalie Bernas, Mathilde Bourbin, Laura Chétrit, Lea-Marie Saint-Germain, Pierre-Edouard Bellanca, Aurélien Gouas, Pierre Khorsand et Arnaud Perron
du 8 au 31 juillet à 22h30 au théâtre du Bourg Neuf (04 90 85 17 90)

jeudi 23 juin 2011

Les Possédés au théâtre de la Bastille


Planète

Texte d’Evguéni Grichkovets, mise en scène de David Clavel et Nadir Legrand avec David Clavel et Marie-Hélène Roig

Loin d’eux

Texte de Laurent Mauvignier, mise en scène de David Clavel et Rodolphe Dana, avec Rodolphe Dana


Collectif Les Possédés

Théâtre de la Bastille, du 6 juin au 1 juillet 2011


Le premier texte, la première ambiance, à 19h30, est citadine. Un homme observe une femme chez elle par sa fenêtre et il s'interroge. Sur sa vie à elle bien sûr mais aussi sur son regard à lui, sur la probabilité que deux êtres se croisent, se parlent, se comprennent, s'aiment dans la ville. Tout au long de ce texte la femme évoluera dans son espace et lui égrainera son questionnement, son désarroi face à ce que l'on pourrait appeler "l'ultra moderne solitude".


C'est remarquablement bien joué comme toujours, les comédiens et metteurs en scène du collectif Les Possédés ont compris quelque chose de la transmission aux spectateurs, du parlé direct qui ne s'embarrasse pas de protocole, une main tendue à notre intelligence et à notre sensibilité. Cela nous permet d'entrer dans le propos et de suivre ce qu'ils veulent nous offrir, de se sentir inclus.


Cette courte pièce un peu triste est suivie à 21h dans la grande salle par un monologue tirés du roman "Loin d'eux" de Laurent Mauvignier. Un jeune homme se suicide et tour à tour ses proches, puis lui-même, prennent la parole et s'expriment en toute pudeur sur cette disparition. Un texte extrêmement poignant qui reste toujours dans la dignité, sur l'incompréhension mutuelle au sein d'une famille, sur les écarts entre les générations ou les univers qui peuvent coexister sans se rencontrer. Là encore Rodolphe Dana qui fait tous les personnages les uns après les autres, est magistral. Une grande interprétation toute en finesse et en douceur, avec au fond le vrai désespoir que comporte cette situation. Un véritable talent autour d'un texte d'une grande beauté.

Ce que j'aime particulièrement dans ce collectif qui sait aussi bien manier les classiques comme Tchekhov (remarquable Oncle Vania il y a deux saisons à la Bastille), comme des textes épiques (Merlin l'an passé à la Colline) ou encore ici avec deux textes contemporains et sombres, c'est leur simplicité dans la transmission. Bien sûr cette apparente simplicité demande énormément de travail, mais on sent qu'ils souhaitent avant tout se rapprocher du spectateur et rendre le théâtre à son rôle, pour moi essentiel, de messager. Cette proximité est vraiment à aller rencontrer au théâtre de la Bastille et à suivre à chaque fois que les Possédés passent.


Ancien article :

LIEN ici pour ONCLE VANIA

dimanche 12 juin 2011

KOLIK - Goetz - Colas

photo Sylvain Couzinet-Jacques

de Rainald Goetz, mise en scène Hubert Colas
avec Thierry Raynaud
à la Ménagerie de Verre jusqu'au 18 juin

La sobriété délicate et toujours surprenante de la scénographie d'Hubert Colas, nous invite cette fois dans un espace noir, au milieu duquel trône une table, un micro et Thierry Raynaud face à une centaine de verre à shots. Plus tard lorsque nos yeux seront habitués à l'obscurité, nous devinerons son ombre blanche projetée dans le lointain. Inverse de l'ombre, la part blanche qui se révèle...

Thierry Raynaud va se livrer là, au fil des mots et des délires de l'auteur Rainald Goetz, à une véritable performance de comédien, que tout amoureux du théâtre se devrait de venir voir. Le texte tout d'abord qui semble être un enchevêtrement de pensées soliloques, qui se suivent malgré tout dans un discours presque auto adressé, de celui que l'on se tient dans certaines mises au point qui virent au bilan de vie et rejoignent la philosophie. Ce texte contemporain et mordant qui crie, qui râcle, qui tord les mains, qui souffre et rit aussi de soi...

Plus les mots sortent, plus l'acteur se vide de sa noire humeur plus il se remplit de ces verres qu'il ingurgite "too shuss" d'un coup comme on se tirerait une balle. Echo à Goetz qui est aussi un performer (il a notamment lu un de ses textes en se tailladant au rasoir en même temps). C'est une performance que d'avaler tout ce liquide, mot après mot, une idée, un verre, un cri, un verre, une terreur, un verre... Au mot près.

Goetz le Berlinois qui a cotoyé de près la folie puisque docteur en psychiatrie, semble nous livrer ici les ultimes instant d'un retour sur soi même avec au fond l'envie de trouver une raison de vivre, sans y arriver. La mort rode dans ce texte, la merde, la crasse, la vie de chien... Une dissection du cerveau n'est jamais loin, et la vérité de l'ivresse qui pousse aux pires constats et actes. Tout y passe, l'air de rien, l'oppression, la discipline, l'éveil, la musique, la lumière, le calcul, connaître le monde, le doute, la pensée, le mensonge, la vie, la mort, l'être, le désespoir. Cela pourrait être le discours contemporain d'Hamlet. Alors pourquoi ce micro ? Peut être le metteur en scène a voulu brouiller les pistes d'un discours qui serait entendu, et non répété pour soi.

Le rythme se fait, le noir, aussi, on est presque dans une chanson, une litanie, on attend incrédule, on remarque forcément les nuances de jeu de ce comédien hallucinant qui est capable de distinguer chaque mot, chaque intention. "On boit un coup ? Ca venge"... voilà un homme qui noie son désespoir dans l'alcool ou bien sa trop grande clairevoyance, ou juste sa fatigue... Il ne cherche même plus à refaire le monde, mais à voir s'il reste quelque chose qui pourrait l'y retenir. C'est infini ce que l'on pourrait tirer de ce texte et chacun sans doute y puisera ses propres grilles de lecture. Une mise en scène et un jeu étonnamment sobres et fins pour un sujet qui aurait pu ne pas l'être, une délicatesse et un ciselage de présentation.

Il faut aller voir ce travail remarquable à tous points de vue et suivre comme je le fais maintenant depuis quelques années, Thierry Raynaud et Hubert Colas qui me semblent incontournables dans la scène théâtrale contemporaine.